Vacances en Irlande : 10 jours d'aigreur (LA FIN!)
Dernier jour : Belfast-Paris
Ce matin-là je m'éveillai excité comme un petit fou, un petit peu comme un enfant le jour de Noël (avant la mise en application de mes biens beaux conseils bien sûr). Parce que les voyages c'est cool, mais à un moment donné il faut quand même rentrer chez soi.
D'une part parce que chez soi il n'y a pas de gens. On peut se balader en peignoir toute la journée, ça ne choque personne. On peut scotcher sur sa console jusqu'à trois heures du mat', personne ne vient vous dire de faire moins de bruit. On peut rester couché jusqu'à seize heures, personne ne vient vous réveiller pour faire le ménage et vous vous en foutez s'il pleut à verse dehors. Bref chez soi, c'est cool. (Enfin peut-être pas chez vous, hein, je n'en sais rien et je m'en tape un peu.)
J'imagine d'ailleurs qu'à la lecture de cet article vous ressentez un peu l'impatience qui était mienne ce jour-là. (Ouf, il va enfin arrêter de nous saoûler avec ses vacances lui, on s'en tape et on préfère quand il pourrit les gens, en plus moi j'ai même pas de congés vu que je suis chômeur depuis huit ans, et avec mon RSA je peux seulement m'acheter des pâtes Leader Price que je mange crues pour économiser le gaz).
Toujours est-il que je me suis levé tôt, que j'ai pris mon petit-déj' dans la salle commune de Gryffondor mon auberge et que j'ai filé direction Belfast, le coeur empli de joie.
Comme le disent les plus grands experts, c'est en faisant des erreurs que l'on avance, tout en tirant parti des expériences passées. Et bien pas pour moi puisque comme un bon conneau j'ai trouvé le moyen d'arriver à Belfast à 10 heures. Ce qui fait salement tôt quand même. Surtout qu'on était dimanche.
Vous ne voyez pas le rapport? Qu'à cela ne tienne je m'en vais vous l'exposer.
Les deux choses les plus importantes dans la vie d'un Irlandais sont la religion et les pubs (pas forcément dans cet ordre). Donc le dimanche matin en Irlande, c'est mort. Mais vraiment. Les parkings sont aussi déserts qu'une salle de conférence sur l'influence marxiste dans la construction sociale d'une colonie de bigorneaux en pays Cathare. Les seules choses que l'on croise dans les rues sont des sachets plastiques vides, volant au gré du vent balayant les avenues tels des spectres angoissés par tant de solitude. Les portes sont closes. Les quelques suicidaires potentiels qui auraient voulu se coucher sur la route, poussés à l'acte par cette ambiance lugubre, auraient pu piquer un roupillon sans problème, aucune voiture ne serait venue mettre fin à leur tourment.
Comble de l'horreur, les pubs ont interdiction de servir de l'alcool avant 11h30 (sans doute pour orienter le choix des fidèles quant à leur occupation dominicale).
Autant vous dire qu'à Belfast un dimanche matin on s'emmerde. Heureusement il ne pleuvait pas. Par contre grâce au vent vicieux qui soufflait en permancence il faisait froid.
Je vous passerai l'attente insupportable de cette journée sans fin, ponctuée par un repas des plus immonde (mon dernier fish'n'chips, pris dans un restaurant, qui se révéla plus mauvais que le premier, cf Portstewart), une session intense de mots fléchés sur un banc (wouhou!) et autres occupations passionnantes.
A un moment, en début d'après-midi je me résignai à partir à l'aéroport. J'avais 4 heures d'avance, mais au diable l'avarice.
S'ensuivirent 5 heures du même ennui (4 heures d'avance, 1 minute d'enregistrement, 59 minutes de retard au décollage). Les 3 heures d'ennui suivantes sont standard (1h30 de vol, 30 minutes d'attente dans l'avion une fois posé, 1 heure pour récupérer les bagages). A celui qui s'obstinera à m'affirmer que l'avion est plus rapide que le train je répondrai : au moins un train ça avance tout le long du voyage et pas seulement 1% du temps. On a un peu moins l'impression de le perdre, son temps, justement.
De toute manière l'avion c'est de la merde.
Mais bon, qu'importe, j'étais en France, LE pays du fromage qui pue et de la joie de vivre. Je m'engouffrai tout joyeux dans le premier RER que je pus attraper, savourant d'avance mon arrivée chez moi après la petite heure de transports en commun qui m'attendait, et que j'appréhendai avec la plus grande sérénité.
Ha ha ha, j'en ris encore.
Il se trouve qu'arrivé à Denfert-Rochereau (pour ceux qui connaissent, pour les autres ça n'a aucune importance), le RER n'est pas reparti. Il est resté à quai, les portes ouvertes, décontracté, en mode à l'aise. Bon, je décidai que le moment était venu de goûter une des barres bizarres que j'avais achetée au Duty Free.
J'ai attaqué direct par du lourd : une barre de Rice Crispies liés par du chamallow fondu. C'était bon. Mais le train ne repartait toujours pas.
Je tiens à signaler l'abnégation de notre chauffeur et de tout le staff de la RATP qui sur ce coup-là a fait preuve d'une gestion exemplaire : plutôt que de fournir aux voyageurs un motif de râler ils ont assumé totalement et se sont bien gardés de communiquer quoi que ce soit (bravo les gars), donc on ne savait pas trop quoi faire. Pour ma part étant chargé comme un baudet j'ai choisi d'attendre, et mes efforts ont payé : le train est reparti (au bout de trente minutes quand même).
Ensuite : correspondance, je prends le métro. Passées deux stations, le conducteur nous dit (par le truchement astucieux d'un micro et de hauts-parleurs habilement distribués dans les rames) :
"Aaaah, bon ben là je sais pas si on va pouvoir aller jusqu'au terminus, il y a eu une fusillade à la station [masqué pour préserver son anonymat], on va devoir s'arrêter."
Joie intense.
Donc je suis descendu, j'ai erré un quart d'heure sous la pluie à la recherche d'un taxi que jamais il ne trouva, et finalement j'ai repris le métro dans l'autre sens, prenant un autre itinéraire bien long et bien chiant.
Au final je suis arrivé chez moi à minuit, fatigué, mouillé... et aigri à souhait.
Mais quel pays de merte!