Vacances en Irlande : 10 jours d'aigreur (6)

Publié le par Aigri-man

Jour 6 – Galway-Cork

En ce matin qui marquait le milieu de mon voyage, je fis péter le petit-déjeuner des champions qui n'a aucun lien avec Mercurochrome le pansement des champions (il faut dire que c'était compris dans le prix de la chambre, autant vous dire que je me suis fait plaisir).

Au programme de la matinée visite de Galway, si possible à pas cher. Je ne pus réprimer un haut-le-cœur en passant devant le Supermac's de la veille mais mon bacon réussit à rester à l'intérieur de mon système digestif. Pour ce qui est de la ville en elle-même, ben c'est plutôt joli, même si ça manque un peu de personnalité.

Un peu de culture : c'est de Galway que provient la bague de Claddagh. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, c'est la bague qu'Angel offre à Buffy dans la série éponyme. Eh oui, je sais, c'est complètement fou.

J'ai longé le fleuve qui passe au milieu et dont je n'ai pas noté le nom, il faisait beau, il y avait des canards (j'aime bien les canards, je trouve ça très rigolo, ils me mettent toujours de bonne humeur), donc tout allait bien. J'ai bien arpenté les rues en long, en large et en travers, et j'ai visité plusieurs églises (c'est gratos). Il y en a d'ailleurs une qui bat tous les records de glauquitude d'église du monde : la cathédrale Saint-Nicholas.

D'extérieur tout va bien, c'est une cathédrale moderne d'inspiration gothique en pierre grise tout ce qu'il y a de plus passable. Quand on entre ça se gâte : la partie inférieure est en bois et le haut est en pierre, c'est assez curieux. Ensuite on remarque une espèce de fond sonore rythmé, entêtant, comme des psalmodies. En fait c'est exactement ce que c'est : une personne dit un truc et tous les autres le répètent à voix basse en se balançant d'avant en arrière. Il paraît que c'est normal et que ça se fait beaucoup, il n'empêche que c'est bien flippant.

Puis on commence à observer les vitraux qui sont très récents et réalisés par un artisan local. Là on commence à tomber dans le bizarre avec des scènes de meurtre, de personnages démoniaques et d'autres choses qu'on ne comprend pas trop. Mention spéciale au vitrail montrant un homme se faisant poignarder dans le dos, son assassin brandissant un couteau au-dessus de sa tête d'un air sadique, avec toute la moitié inférieure de la scène baignée dans un rouge écarlate.

Trop bizarre...

Je ressortis du bâtiment vaguement mal à l'aise, en imaginant qu'il avait été construit sur un ancien cimetière indien (car l'Irlande a longtemps été peuplée d'indiens, c'est un fait peu connu) et que ça devait être sympa à Halloween.

Après ces déambulations aussi dépourvues de but qu'un acteur de télé-réalité est dépourvu de cerveau il était plus que temps de me remettre en selle et hue Jolly Jumper. Ah pardon je confonds, on me dit dans mon oreillette que ce nom est déjà pris par le cheval de Zorro.

Étape suivante : les falaises de Moher et leur mondialement renommé « Parking de la Quenelle ». Attention là on a du lourd, voire de l'éléphantesque.

Je vous explique le principe : les falaises de Moher sont, à l'instar de la Chaussée des Géants, un des gros sites touristiques d'Irlande. Autant dire que ça brasse un monde fou. Or, et là on atteint un niveau de perversité qui ferait passer Hannibal Lecter pour un candide scénariste de chez Harlequin. Je sais, la phrase précédente n'est pas terminée. Et alors?

« Mais que dis-tu là Aigri-man, toi le sage parmi les sages dont chaque parole est nectar pour nos oreilles? La gratuité d'un tel site est tout à l'honneur de ce fier pays et ne fait que prouver qu'ils placent la culture et la contemplation béate au-dessus de viles considérations mercantiles! »

Ah je vous reconnais bien là, votre périple vient à peine de débuter et nombreuses seront les embûches qui vous attendront sur le chemin rocailleux de l'aigreur, et là vous venez de tomber les deux pieds joints dans un traquenard habile mais néanmoins évident pour l'initié que je suis.

J'ai bien dit que l'accès aux falaises était gratuit. Néanmoins le parking est payant. Et il est obligatoire de se garer sur ce parking, puisque c'est le seul endroit qui permet à une voiture de s'arrêter à proximité. Rusé, non? Mais ce n'est pas tout...

On pourrait légitimement penser que l'on sera amené à payer un forfait par véhicule. Eh bien non mes loulous, le vice est poussé jusqu'à vous faire payer un tarif (six euros) à la personne! Oui vous avez bien lu, c'est le premier parking que je vois où il fait bon être célibataire ou sans amis. C'est mon cas mais une fois cette supercherie découverte je refusai tout net de me prêter à cette mascarade (d'habitude j'aime bien payer, mais là y'avait pas moyen). Comme j'étais devant la guitoune de la caissière et qu'il y avait déjà d'autres voitures derrière moi je lui signifiai d'un « I don't want to pay! » bien senti - et que ne vous traduirai pas - que cette grosse quenelle ne passerait pas par moi. Je me fis donc escorter vers la sortie sous l'œil mauvais des gardes qui ne me saluèrent pas, mais je m'en fichais bien car je quittai la scène de cette mauvaise pièce conspué mais libre, et avec le sentiment intense et totalement injustifié d'avoir fait triompher la justice. En fait j'ai surtout préservé le contenu de mon porte-monnaie, mais c'est déjà pas mal vous en conviendrez aisément. Et rien que pour la tronche de l'ouvreuse ça valait le coup.

Bref je m'étais presque résigné à ne pas voir ces falaises quand j'avisai un petit chemin à environ un kilomètre de là, où plusieurs voitures étaient déjà stationnées. Je n'avais donc pas le monopole de la clairvoyance (ou de la radinerie)! Ma foi en l'être humain fut ravivée par cette vision, et elle dura au moins quatre secondes, ce qui est suffisamment rare pour être noté. Je me garai donc derrière une voiture et rejoignis les falaises à pied, longeant des champs verdoyants bordés de petits murets en pierre sèche. En passant devant la caisse je suis sûr d'avoir vu sa triste occupante me lancer un regard de haine farouche, même à cinq cent mètres de distance (j'ai une très bonne vue).

Alors les falaises de Moher, c'est des falaises, comme leur nom l'indique, mais en pierre et pas en laine, comme leur nom ne l'indique pas (et ne venez pas m'embêter avec de bêtes considérations orthgraphiques, on est pas chez Bernard Pivot). Ça a une petit quelque chose d'Etretat (en Bretagne) mais en noir. En gros ils ont juste pompé sur nous quoi. Sacrés Irlandais, tiens...

C'est grandiose, c'est rempli d'une espèce de tension dramatique et on imagine sans peine des scènes de tragédies classiques se dérouler sur ces escarpements comme déchiquetés par une mâchoire titanesque. Au point le plus haut il y a une tour médiévale d'un étage au sommet de laquelle on peut monter pour profiter d'un point de vue encore plus élevé (d'environ six mètres). Bien sûr il faut payer (deux euros), je me suis donc abstenu, mais vu la hauteur des crénaux et l'épaisseur des murs je ne suis pas convaincu que l'ascension en vaille la chandelle. Et de toute façon on voyait très bien depuis le bas.

Après moultes photographies et une fois lassé du vent qui balayait sans cesse ce haut lieu de la quenelle, je décidai de retourner à ma voiture (regard noir au passage) et dut faire un choix cornélien : où allais-je passer la nuit? Ayant renoncé à mon escale aux îles Aran j'avais en effet une journée d'avance sur mon planning. Je décidai alors de passer deux nuits consécutives à Cork, où je trouvai par chance une auberge de jeunesse avec un lit disponible.

Étant arrivé tard je ne fis qu'un tour rapide dans la ville, afin de trouver un parking payant. Oui parce que la ville possède tous les emplacements de stationnement et colle un sabot à toutes les voitures sans disque, ou qui restent plus de deux heures au même endroit (n'espérez pas y échapper, ils sont partout). Le plus simple est donc de se poser dans un parking, de payer d'avance (dans mon cas) ses deux jours de stationnement et de ne plus s'en occuper. C'est une quenelle, mais celle-là on n'y coupe pas et tout le monde y a droit (même les résidents permanents) donc la pilule est un peu plus facile à avaler. J'optai sur les conseils de la charmante hôtesse de l'auberge pour la gare qui avait le double avantage d'être le moins cher et le plus proche.

Sur le chemin du retour je m'arrêtai dans une supérette pour m'acheter de quoi faire des sandwiches. De retour à l'auberge je dînai seul de tartines de cheddar fondu et de salami bizarroïde dans la cuisine, et à ce moment précis je me dis que je passais vraiment une soirée pourrie, je me faisais presque pitié. Mais comme j'étais bien crevé par la route et toutes les petites contrariétés de la journée je décidai d'aller me coucher, après tout on ne peut pas être tout le temps au top.

Publié dans Bla-bla

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